La Cour constate que les dispositions de l’art. 52 paragraphe (1) lettre b) de la loi n° 53/2003 nécessitent une analyse distincte des deux thèses contenues, les causes de suspension du contrat de travail individuel étant manifestement différentes. Cette distinction a également été retenue par la Décision n° 81 du 26 février 2015 publiée au Journal officiel de la Roumanie, Partie I, n° 273 du 23 avril 2015, par laquelle la Cour a jugé conforme à la Constitution l’art. 52 paragraphe (1) lettre b) deuxième thèse de la loi n° 53/2003, car seule cette thèse était applicable dans le litige dans lequel a été invoquée l’inconstitutionnalité des dispositions de l’art. 52 paragraphe (1) lettre b) de la loi n° 53/2003.
En analysant les dispositions de l’art. 52 paragraphe (1) lettre b) première thèse de la loi n° 53/2003, la Cour a constaté que l’initiative de suspension du contrat de travail individuel est laissée dans cette hypothèse juridique entièrement à la disposition de l’employeur, celui qui formule la plainte préliminaire et décide, en même temps, de la suspension de la relation d’emploi.
Bien sûr, comme cela a été retenu dans la jurisprudence constitutionnelle, la suspension de la relation d’emploi ne constitue pas une violation de la présomption d’innocence. Bien que dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’homme ait jugé que le principe de présomption d’innocence consacré à l’art. 6 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne se limite pas à une simple garantie procédurale en matière pénale, son champ d’application étant plus large et imposant qu’aucun représentant de l’État ou autorité publique ne déclare une personne coupable d’un crime avant que sa culpabilité ait été établie par un “tribunal” (décision du 4 juin 2013 dans l’affaire Teodor contre Roumanie, paragraphe 36), la Cour constitutionnelle considère en outre, en accord avec ce qui a été retenu par la Décision n° 24 du 22 janvier 2003, qu’en suspendant le contrat de travail, l’employeur ne se prononce pas sur la culpabilité ou l’innocence de l’employé, ni sur sa responsabilité pénale, ces questions relevant de la compétence des organes judiciaires. De plus, on ne peut pas dire que cette mesure pourrait être assimilée à ce que la Cour européenne entend par culpabilité pénale formulée par un “représentant de l’État ou une autorité publique” avant le prononcé d’un tribunal. Enfin, la Cour constate que la suspension du contrat de travail individuel analysée ne revêt pas la forme d’une sanction pénale, ni même celle d’une sanction disciplinaire.
En ce qui concerne la proportionnalité de la mesure prévue à l’art. 52 paragraphe (1) lettre b) première thèse de la loi n° 53/2003, c’est-à-dire la réalisation d’un équilibre juste entre les droits en concurrence, à savoir le droit au travail et le droit de l’employeur de prendre les mesures nécessaires au bon déroulement de l’activité économique, la Cour constate que la suspension du contrat de travail individuel, à l’initiative de l’employeur, lorsqu’il existe des motifs d’appréciation selon lesquels l’activité illicite de l’employé compromettrait les intérêts de l’employeur, doit être soumise à certaines conditions pour garantir que cette mesure ne soit pas arbitraire. En d’autres termes, la Cour considère que, dans la mesure où la loi donne à l’employeur la possibilité de suspendre le contrat de travail individuel pour protéger ses intérêts économiques, en tant qu’expression de l’art. 45 de la Constitution, une telle mesure, avec des conséquences importantes sur les droits de l’employé, doit être accompagnée d’une garantie de décision objective et dûment motivée de l’employeur. À cet égard, la Cour note que la mesure de suspension entraîne la cessation temporaire des obligations des parties découlant du contrat de travail individuel et, dans le cas du texte de loi analysé, la cause de la suspension n’opère pas de plein droit, ni n’est l’expression de la volonté de l’employé, mais de l’employeur. De plus, la Cour note que, contrairement à d’autres situations socio-professionnelles, lorsque la suspension opère à la suite de l’action pénale et/ou des actes de poursuite ordonnés par les magistrats, ayant un lien objectif et extrinsèque entre celui qui exerce l’activité professionnelle et l’institution, l’autorité ou l’organisme professionnel dont fait partie l’employé, la suspension du contrat de travail dans l’hypothèse de l’art. 52 paragraphe (1) lettre b) première thèse de la loi n° 53/2003 peut être ordonnée par l’employeur à la suite de toute plainte pénale qu’il a déposée contre l’employé, selon sa propre volonté, de même que la cause de suspension du contrat de travail et la mise en œuvre de cette mesure. Dans ces circonstances, la Cour estime que les garanties d’objectivité et de rationalité de la décision de suspension décidée par l’employeur peuvent être facilement remises en question, étant donné que l’art. 52 paragraphe (1) lettre b) première thèse de la loi n° 53/2003 laisse l’appréciation du fondement de la suspension entièrement à la disposition de l’employeur, dont les décisions peuvent être considérées comme subjectives et parfois même abusives, notamment dans le contexte des relations contractuelles de travail qui, par leur nature, impliquent une interaction humaine significative. Ainsi, il ne faut pas négliger que ces rapports impliquent une subordination de l’employé vis-à-vis de l’employeur, caractérisée par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur, qui a le devoir de donner